LE PEUPLE EWE


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RELIGION ET PRATIQUES RELIGIEUSES

Avant l'introduction des religions importées, surtout à partir du XIXè siècle, les Ewé étaient des animistes. Ils le sont encore majoritairement aujourd'hui, à l'exception de ceux du Sud-Ouest fortement christianisés. Ils croyaient en l'existence du ciel et de la terre et de tout ce qu'ils renferment. Ainsi, la vie des Ewé était régie par la croyance aux cultes des ancêtres et à ceux des divinités, d'où la puissance spirituelle de l'homme et sa symbiose avec la nature. Ces cultes se faisaient au cours des cérémonies et des rites sous la direction des prêtres ou des initiés.

Divinités adorées

L'animisme se définit comme une religion qui attribue une âme à tous les phénomènes naturels (Apaloo 1988 : 78 citant Rivière). "Mawu", "créateur de toutes les choses", est celui à qui rien, ni personne ne peut être supérieur : Dieu est au-delà de la mort et dispose de tous les biens matériels et moraux, la paix y compris dans leur plénitude. Il punit et récompense les hommes selon leurs actes (idem). C'est pourquoi avant de faire des cérémonies aux divinités, aux ancêtres, les prêtres prient ce Dieu Suprême et implorent sa bénédiction. Les Ewé croient ainsi donc à l'existence de l'âme et à la vie dans l'au-delà.
La religion animiste repose sur les cultes des ancêtres et des divinités. Il y a plusieurs divinités adorées chez les Ewé. On trouve des divinités principales, caractéristiques à toutes les communautés éwé ; des divinités communautaires ou locales et des divinités familiales.
Mais les Ewé de la diaspora ont adopté de nouvelles divinités qui n'étaient pas connues à Notsè qu'il importe de présenter brièvement ici afin de montrer l'évolution de ces cultes.
A Notsè, l'intronisation conférait à l'Anyigbafia le statut de grand-prêtre de tous les cultes de la ville. Il était donc au sommet de la hiérarchie du clergé dont dépendaient les autres prêtres. On note des divinités qui étaient liées à la royauté :
- La divinité Mawu dont le sanctuaire était dans la forêt sacrée de Tégbé, dirigé par le Mawuno (grand-prêtre du dieu Mawu). C'est le culte des autochtones de Tégbé qui avait été adopté par le clan royal de Notsè qui en avait fait sa divinité principale, source première du pouvoir ésotérique.
- La divinité Agba ou Togbétroagba (l'ancêtre s'est transformé en assiette) , rapportée de Kétu par le clan royal et installée à Tako, était vénérée sous l'apparence d'une pierre. C'est auprès de celle-ci que se font les cérémonies de purification de la ville.
- La divinité Gugutegu. Elle fut adoptée sur place à Notsè. Selon une tradition aurait été autrefois un animal vivant dans la forêt ; tué un jour par les chasseurs du quartier Adimè, sa peau aurait servi à faire un tambour spécial qu'on ne pouvait entendre que de loin. Ainsi, ce tambour servit au seul usage de l'Anyigbafia et transféré dans la demeure royale, où les spécialistes d'Adimè viennent le jour à l'occasion de l'intronisation des rois de Notsè.
- La divinité Atsakpé : ramenée aussi par les ancêtres de Kétu et installé à Adimé, son rôle était de détourner la guerre de la ville. Les moutons étaient périodiquement sacrifiés. Ce qui explique, selon les traditions, aucune guerre extérieure n'est jamais venue s'abattre sur la ville.
- La divinité Fiamanyâ, divinité tutélaire, elle sur la ville pour en éloigner les maux de toutes sortes.
En dehors de ces divinités royales, chaque quartier, chaque lignage possédait aussi ses propres divinités que ses membres vénéraient (Gayibor 1985 : 345-347).

Après l'exode, les Ewé vont adopter d'autres divinités qui ne sont pas forcément ce qui était connu à Notsè. Elles sont parfois le résultat d'un emprunt auprès des populations voisines de la même aire culturelle ou résultant soit du contact avec leur nouvel environnement soit liées à leur histoire de migration.

Les principales divinités de la diaspora éwé

- La divinité Xébiéso
Elle est l'incarnation de la puissance et de la force de la foudre, qui correspondrait plus exactement à l'ensemble des phénomènes atmosphériques. Son prêtre est appelé " Hunto ". Le Dieu de la foudre comme on l'appelle, punit sévèrement quand il s'enflamme contre les malfaiteurs. Il aide les Ewé à trouver des solutions à toutes sortes de problèmes, notamment le vol et la stérilité. C'est un dieu charitable, d'où des adeptes, en majorité des femmes. Heweso est représenté par un bélier et ses fidèles portent souvent la hache à double tête.

- " Sakpaté " ou " Sakpata "
C'est la divinité de la terre dans ses rapports avec l'homme. Par suite, elle est aussi l'agent propagateur de la variole surtout lorsque l'un de ses interdits n'est pas respecté. Déesse de la terre, elle est appelée Anyigbato (propriétaire de la terre). Elle incarne la fertilité et la prospérité.

- La divinité Da (ou Dan) :
C'est le serpent ou l'arc-en-ciel (Da = serpent). Le serpent divin est le python qui symbolise la fécondité et la richesse. Il ne mord pas et on ne doit pas le tuer. Ceux qui vénèrent le serpent doivent recouvrir celui-ci de feuilles s'ils le trouvent mort quelque part (Apaloo 1988).

On note aussi des divinités particulières à chaque communauté éwé, qui sont souvent des divinités protectrices du clan de l'ancêtre fondateur. On peut citer par exemple la divinité " Kenunu ", divinité protectrice de toute la communauté Kuma qui a lieu tous les ans à Kuma lors de la guerre contre les Ashanti ; chez les Kené, dont le sanctuaire se trouve dans une forêt sacrée. Les cérémonies sont annuelles. Amesikpe incarne la fécondité, le bonheur et la prospérité.
On peut citer aussi le cas de la divinité Nyigblin, celle des communautés Bè-Togo du sud-Togo. Le culte de cette divinité est symbolisé par le python. Il consiste à choisir par divination dans n'importe quelle partie de l'aire d'influence de Nyigblin, le grand-prêtre qui, une fois consacré, séjourne d'abord durant 33 lunaisons dans la forêt Agomévé, près d'Agbodrafo, avant de terminer son règne dans la forêt sacrée de Bè. En fait chaque communauté éwé de cette aire culturelle a sa propre représentation du Nyigblin. Celui de jugé femelle fait fonction de Dieu de la pluie et de la fécondité. Par contre, celui d'Anloga, jugé mâle, symboliserait la contrainte sociale et la guerre (Dosse & Surgy 1994 : 108).

Il faudrait souligner la particularité de la divinité " Légba ", gardien de l'espace à la porte des sanctuaires, des foyers et des villages. Chaque famille a son Légba et il y a un " Légba " pour tout le village appelé " Dulegba ".
Enfin, chaque famille peut avoir son culte privé à côté des cultes communautaires ou collectifs.

Cultes et cérémonies

Les cultes aux ancêtres et aux divinités respectent un certain nombre de principes et une certaine procédure. Les esprits des ancêtres sont invoqués par une libation (sacrifice des animaux), une offrande (eau avec farine de maïs) et de la boisson alcoolisée (sodabi, aujourd'hui souvent avec du gin etc.). Les cérémonies se font dans un sanctuaire, à un moment précis par un prêtre ou un initié après consultation du " Fa ", l'oracle chez le " Bokono " (devin, prêtre). Ce dernier sert d'intermédiaire entre le visible et l'invisible, entre le naturel et le surnaturel. Par des symboles, des signes caractériels fondamentaux, le " Bokono " lit le passé, interprète le présent et prédit l'avenir. Il joue un rôle considérable chez les Ewé.
On peut citer comme exemple de culte les " Togbui - Zikpoé ", culte des ancêtres, matérialisé par les tabourets ancestraux (Togbui-Zikpoé) considérés comme héritages. Ceux-ci ne sont pas liés directement aux ancêtres mais bien indirectement en tant que reliques et symboles de rattachement du clan à l'un de ses aïeux célèbres par son statut de chef, sa bravoure à la guerre ou son prestige économique. Les rituels auprès des tabourets ancestraux ont lieu les jours spéciaux (aujourd'hui jeudi et dimanche), très tôt et à jeun car on ne doit adresser la parole à personne avant de les toucher (Apaloo 1988 : 78-80).
Par ailleurs, il se déroule des manifestations culturelles en des circonstances appropriées dont le sens fondamental est de montrer la manière dont les Ewé perçoivent les relations entre l'homme et la nature : ce sont des cérémonies rituelles. Il existe des cérémonies annuelles, triennales, etc..., et des cérémonies ponctuelles ou secondaires qui ont lieu en des circonstances appropriées et qui ne se répètent que quand un événement similaire se reproduit (Apaloo 1988 : 93-98).
Il serait superflu d'inventorier tous les rites ici. Nous ne donnerons que des exemples. Concernant la première catégorie de cérémonies, on peut citer les rites des différentes divinités : Heweso, Da. D'autres rites ponctuels sont consacrés à certains événements.

Ahowowo ou cérémonie de veuvage
Elle varie selon le sexe ; une veuve ou un veuf. Lorsqu'il s'agit d'une veuve, le rituel se déroule pendant trois mois après la mort du conjoint. Sous la direction d'une maîtresse (une veuve) la veuve dont la tête est rasée, a pour tenue un pagne noir noué autour de la hanche et un fil de coton nommé " ahoka " autour des reins après trois jours de réclusion. Elle ne change de tenue et ne se remarie qu'à la fin du veuvage. Alors que ce rituel ne dure que six mois en cas d'un veuf.

Ene wowo ou cérémonie des jumeaux
La naissance des jumeaux est considéré comme un fait extraordinaire, d'où un rituel de purification des parents qui débute deux mois plus tard. La cérémonie dure huit jours au cours desquels la mère des jumeaux ne doit aller ni au champs ni au marigot, ni au marché. C'est un couple, parent aussi de jumeaux qui dirige les manifestations : danses folkloriques, offrandes, cérémonies de dépôt de marmite des jumeaux etc.

Talulu
C'est une cérémonie de purification à quelqu'un qui a échappé à un malheur : mort, accident etc…
Les proches et le chef du village sont convoqués, la tête de l'intéressé rasée et on procède ensuite à une prière de Libation. Cet acte permet ainsi d'éloigner le malheur.

Enfin, soulignons les funérailles, rites les plus fréquents chez les Ewé. Leur but est de sympathiser une dernière fois avec le disparu et de lui permettre d'intégrer la communauté de l'au-delà. L'importance des funérailles est fonction de l'âge, du sexe et de la catégorie sociale du défunt. Ce qui conduit à distinguer les funérailles ordinaires, des funérailles du chef et de notable (Apaloo 1988 : 109).



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